Sophie Varadi Loschi, biographe hospitalière : « Chaque personne a une vie passionnante qui mérite d’être racontée »


Sophie Varadi Loschi exerce un métier à part : elle est biographe spécialisée dans les parcours de vie de patients en soins palliatifs. Elle intervient dans les hôpitaux et les maisons de retraite pour recueillir les confidences de personnes de tous âges.

Ancienne consultante en communication, elle-même touchée par une grave maladie, Sophie Varadi Loschi a toujours été amoureuse des mots, de leur musicalité et de leur portée. Photo Caroline Tsaganas

Bavard’Âges : Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre travail ?

Sophie Varadi Loschi : « La biographie hospitalière consiste à permettre à une personne gravement malade de raconter son histoire, de transmettre ses mots et son histoire familiale à ses proches. »

Qui vous demande d’intervenir ?

« Les soignants proposent nos services aux malades. Le biographe hospitalier rencontre le patient et l’invite à se raconter pour traduire fidèlement son histoire dans un livre. Son livre. »

Quel est l’intérêt pour le patient ?

« Dans le chaos de la maladie grave, le patient trouve dans la biographie un nouveau projet, qui l’ancre dans le présent, l’inscrit dans le vivant. Il n’est plus uniquement considéré au regard de sa maladie. »

Et pour les proches ?

« Pour les proches, le livre représente une transmission importante. Il permet de retrouver la personne, ses mots, sa voix à travers son phrasé particulier. »

Quel est l’âge moyen des personnes que vous rencontrez ?

« On ne peut pas vraiment parler d’âge moyen, comme j’interviens dans le cadre de personnes hospitalisées gravement malades. La personne la plus jeune auprès de qui je suis intervenue avait 33 ans et la plus âgée 90 ans. »

Avez-vous le sentiment que votre travail a une dimension intergénérationnelle ?

« Ce travail s’inscrit clairement dans un projet de transmission. Il a une dimension intergénérationnelle. Tout comme la biographie au sens large. Les personnes veulent souvent que leur livre soit remis à leurs enfants ou petits-enfants. Je me souviens d’une dame, qui souhaitait dans son livre retracer tous ses souvenirs de vacances de sa petite enfance à son adolescence, car elle avait eu la chance de partir à une époque où ce n’était pas si courant. Elle avait envie de les raconter à ses petites filles, qu’elle surnommait affectueusement « (s)es deux sauterelles ».
La biographie permet de préserver et de transmettre les histoires familiales, des valeurs, des émotions. Au-delà des souvenirs personnels se dessinent également, lors des récits de vie, des souvenirs d’Histoire, de différentes époques : Seconde Guerre mondiale, guerre d’Algérie, arrivée de la télévision, découverte des premières machines à laver le linge… »

La biographie permet parfois aux résidents de se livrer plus facilement à leurs proches. Photo Caroline Tsaganas

Cet échange entre des personnes de générations différentes est-il important à vos yeux ?

« C’est important dans notre société actuelle, où tout va si vite et où on est très centré sur le moment présent et l’immédiateté, de se poser et de se rappeler. Se rappeler comment nos parents et grands-parents vivaient. Quel était leur quotidien, leurs difficultés, mais aussi quels étaient leurs plaisirs et leurs moments de joie. »

En quoi enrichit-il la personne qui se livre à vous ?
« Je ne sais pas dire si cela enrichit la personne qui se raconte, mais cela lui permet de se remémorer des moments de vie, des émotions. Le fait de se raconter à une biographe « inconnue », neutre et bienveillante, permet de se livrer plus qu’elles ne le feraient à des personnes proches, et ainsi parfois expliquer des moments méconnus qui viendront nourrir et éclairer l’histoire familiale, voire resserrer les liens familiaux. Je me souviens d’une dame qui me disait qu’elle avait su trouver – grâce à ce récit– comment dire à son fils qu’elle l’aimait plus que tout alors qu’elle était toujours très pudique quand elle était face à lui. Elle en était profondément heureuse et apaisée. »

En quoi vous enrichit-il ? 

« Je suis riche de rencontres avant tout. Chaque personne a une vie passionnante, qui mérite d’être racontée. Ces récits me permettent de découvrir, pour certains, des époques voire des cultures différentes, de rencontrer des personnes et de partager des moments uniques d’échanges. »

Vous souvenez-vous d’une anecdote, vécue dans le cadre de votre travail, qui illustre ce dialogue intergénérationnel ?

« Plutôt des anecdotes de personnes de 70 ou 80 ans qui racontent des habitudes de leur vie quotidienne qui ont complètement disparues. Par exemple, le vin servi à la cantine jusqu’au milieu des années 50, l’arrivée de l’électricité dans le foyer, les premières machines à laver qui libéraient de la corvée de lavage du linge au bassin du village, mais mettaient aussi fin aux discussions hebdomadaires très attendues pour papoter… »

Propos recueillis par Caroline Tsaganas

Contact : Association Biographie Hospitalière Grand Est www.bh-grandest.org

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