13 282 , c’est le nombre de bébés appelés Kevin par leurs parents en 1991. Un record cette année-là et une moyenne de 36 bébés Kevin par jour. Au total, ce sont près de 70 000 petits Kevin qui sont nés en 5 ans, entre 1989 et 1994. Le prénom le plus donné dans l’hexagone sur cinq années consécutives, toutes régions confondues. Les années 90, l’heure de gloire des Kevin. Un acte presque inconcevable pour les parents d’aujourd’hui. Comme un bâton dans les roues d’une progéniture à venir. Et pourtant un prénom en voie d’extinction.
De la même façon, il est difficile d’imaginer dans son berceau le petit Bernard, deux mois. Ou Arlette, Josiane et la petite Sandrine qui feront bientôt leur rentrée en maternelle, où elles retrouveront leurs camarades Patrick, René et Gérard. Ou Cunégonde, qui n’est ni une injure, ni le nom d’un Pokémon, ni un personnage de Game of Thrones, c’est juste l’arrière-grand-mère de quelqu’un. Après tout, on croise depuis longtemps des Clémentine, des Capucine, des Prune et des Myrtille. Et en même temps, les cours de récréation retrouvent depuis quelques années des petits Marcel, Louis ou Léon. Comme un cycle qui se répète. Des modes et des tendances. Comme le vintage et les friperies.

Parce que si les prénoms sont des marqueurs sociaux, ils sont aussi ancrés dans des époques. Derrière chaque prénom se cache une histoire. Un hommage à un aïeul, l’adoration d’un parent pour un.e chanteu.r.se, une chanson ou une star du cinéma. D’autres sont juste « victimes » de modes, miroir de l’air du temps ou inspirations culturelles.
C’est ce qui explique les pics de Britney, de Lorie et de Justin (à prononcer à l’américaine) sur les registres d’état civil. Le prénom comme objet sociologique. Comme si le poids de cette responsabilité n’était pas déjà assez difficile… Parfois un cadeau, parfois un fardeau. La vie et son loto. Tous sont pourtant, par nature, les témoins d’une époque.
Chaque parent, par ce choix pour son enfant, fait acte de transmission et tisse du lien entre les générations. C’est pourquoi dans pas si longtemps, les résidences seniors seront peuplées de papi Jordan et mamie Jennifer, tatoués de la tête aux pieds.
Donovan Moutinho
