Dans la série des grandes diatribes commencées par le poncif « C’était mieux avant…», on trouve, tout en haut du classement, une affirmation à l’emporte-pièce à propos des jeunes : « De toute façon, ils mangent n’importe quoi ».
Info ou intox ?
Vu le nombre de temples de la malbouffe concentrés dans les villes françaises – et maintenant même dans le moindre village – et les essaims de jeunes croisés dans la rue avec un tacos, un kebab, une gaufre fourrée de fromage ou de sauce tomate dans les mains… On pourrait tirer une conclusion hâtive : les jeunes mangent mal. Ajoutons, pour enfoncer encore le clou : à n’importe quelle heure et n’importe où.
« Ils ne s’assoient même plus à table ! », comme dirait ma grand-mère !
Alors oui, en parlant de l’époque de Mamy, les codes étaient bien différents. Les repas des anciennes générations étaient irrémédiablement composés d’une entrée, d’un plat et d’un dessert. Ce subtil mélange offrait un équilibre nutritionnel idéal : il y avait des fruits, des féculents, de la viande, du pain… Bref, pas besoin de s’inquiéter outre mesure des apports journaliers. En plus, on mangeait à heure fixe et le repas était un vrai cérémoniel. On prenait le temps de manger… et parfois même, de digérer, avec deux vraies heures de pause entre midi et deux.
Aujourd’hui, rares sont les jeunes actifs à ne pas passer un ou deux repas par semaine devant leur ordinateur. Comme m’avoue une collègue : « Ça va plus vite, et puis de toute façon je n’ai pas toujours le temps de faire une vraie pause ». Gain de temps, envie de solitude… Qu’importe. La réalité, c’est qu’on ne prend plus forcément le temps de s’attabler.
Peut-on dire pour autant que les jeunes ne s’intéressent pas à ce qu’ils ingèrent ? Un petit voyage chez Naturalia s’impose : dans un magasin bio, ce qui interpelle de prime abord, c’est l’âge de la clientèle. Beaucoup ont moins de trente ans. Deux de mes collègues, pas encore trentenaires, déjeunent à côté de moi chaque jour, leur repas équilibré tiré du sac et préparé avec amour la veille. La pratique est très répandue. Pour certains, elle est motivée par un impératif économique, pour d’autres par une volonté d’ingurgiter uniquement des denrées sélectionnées, biologiques, équitables… Et puis, il faut être honnête : les végétariens, intolérants au gluten ou au lactose ont encore beaucoup de mal à trouver leur bonheur dans les établissements proposant de la restauration collective.
Alors les habitudes ont changé, c’est sûr. Mais bien malin qui saurait dire que c’était mieux avant. C’était tout simplement différent.
Caroline Tsaganas
